Légendes de Bretagne

Mélar à la main d’argent

Mélar à la main d’argent

Le récit de la vie de Saint-Mélar, martyre et personnage légendaire, fait partie intégrante des légendes bretonnes.

Le récit de la vie de ce saint, vénéré à Lanmeur et dans une partie importante de l’ancienne Domnonée, est l’un plus mythologiques de toutes les Vies des saints de Bretagne Armorique.

Mélar était le fils du prince de Cornouaille Miliau, ou Méliau, éponyme de Ploumilliau et de l’île Miliau, sise face à Trébeurden. Rivod, l’oncle paternel de Mélar, voulant usurper le trône de son père, fit assassiner Miliau et couper la main droite -celle qui tient l’épée- et le pied gauche de l’enfant, alors qu’il n’avait que sept ans. Autant de mutilations disqualifiantes qui, dans l’esprit de Rivod, devaient empêcher le petit prince de régner un jour et de récupérer son trône légitime.

Or Mélar, ayant échappé providentiellement à la mort, se fit greffer (par quelle opération magique ?) une main d’argent et un pied d’airain, qui, O miracle, grandirent en même temps que le reste de son corps, comme s’ils avaient été véritablement de chair et de sang.

Voilà, on s’en doute, qui ne fit pas les affaires de Rivod qui envoya des hommes de main chercher le petit prince, avec ordre de lui couper la tête, ce qu’ils firent. Mélar avait alors quatorze ans. Les voyous ramenèrent sa tête à Quimper dans un sac. Or, chemin faisant, la tête se mit à parler et fit même des prophéties. Les méchants furent évidemment tous punis de mort. A commencer par Rivod, l’usurpateur.

Le récit hagiographique de Mélar rejoint en grande partie celui du dieu irlandais Nuada, qui perd la main droite lors de la bataille de Mag Tured, et qui, pour cette raison, est éloigné du pouvoir, dont s’empare l’usurpateur Bres. Mais Nuada se fait greffer une prothèse d’argent qui fonctionne comme une vraie main et lui permet de récupérer le pouvoir.

Quant à la tête coupée du petit martyr, elle renvoie à de nombreux récits mythologiques celtiques qui font de la tête le siège de l’intelligence et de la puissance spirituelle, et du « pouvoir légitime qui en émane » (André-Yves Bourgès). Pour Marcel Brasseur : «Il est possible que l’image d’un dieu, devenu saint par « translation du culte », soit arrivée en Bretagne à partir de l’Irlande par ce que B. Merdrignac a appelé « la filière trégorroise. »

Thierry Jigourel, extrait de l’Encyclopédie des êtres merveilleux de Bretagne, éditions Ouest-France ,  sortie prévue  en automne 2022