Légendes de Bretagne

Arthur, le roi-ours

Arthur, l’un des personnages les plus importants de la littérature européenne.

Roi des Bretons, il a, avec sa Table Ronde, ses compagnons, et les Femmes de l’Autre Monde qui l’entourent, enchanté toute l’Europe durant des siècles. Il est encore le héros de grandes fresques cinématographiques, de bandes dessinées à succès et de best-sellers littéraires.

Né des amours d’Uther Pendragon, soit Uther à la tête de dragon ou Uther « chef des dragons », il arrache du rocher où elle était fichée, une épée donnée par les fées, avant de rassembler ses preux autour d’une Table Ronde que certains auteurs identifient à la roue du dieu Taranis, et de les lancer en quête d’un Graal que les mêmes auteurs assurent être une version médiévale  du chaudron d’abondance du dieu Dagda. Il est blessé mortellement, à la bataille de Camlann par Mordred, qui est à la fois son fils et son neveu, puisqu’il a Morgane pour mère.

 

Mais… historique, Arthur ?
Ou légendaire ?

Nennius, clerc du IXe siècle, penche pour la première solution, lorsque, dans un chapitre intitulé Les Campagnes d’Arthur de son Historia Brittonum, il assure que, « à la mort d’Hengest », le roi des Saxons qui disputent aux Bretons des pans entiers de l’île de Bretagne, « Arthur combattait contre eux avec les rois bretons et c’était lui leur chef de guerre. » On note bien « chef de guerre » et non roi. Le terme marc’h-tiern est d’ailleurs repris tel quel dans la gwerz intitulée Bale Arzur, soit la « marche d’Arthur », collectée par Théodore Hersart de La Villemarqué et publiée dans son Barzaz Breiz. Cela suffit-il à en faire un personnage historique ? Un roi qui aurait uni sous son vexilloïde en forme de dragon tous les combattants pour la liberté de la Bretagne ?  Ce n’est pas sûr.

Certains auteurs, parmi lesquels K. Malone, dans Historicity of Arthur, assimilent le personnage à un général illyrien, du nom d’Artorius Castus, chef de la VIe légion Victris, stationnée en Bretagne, et qui aurait pris la tête d’une expédition pour mâter les Armoricains révoltés. Hélas, le texte épigraphique gravé sur son cénotaphe situé en Dalmatie d’aujourd’hui, à y regarder de plus près, fait allusion, non aux Arm…oricains mais aux Arm…éniens ! Exit donc l’explication historique.

Arthur a au contraire tout d’un haut personnage mythologique. A commencer par son nom : Arthur, soit l’ours, Arzh en breton.  Tout chez lui, nous ramène en effet au vieux culte indo-européen de l’ours, à commencer bien-sûr par son nom. Mais pas seulement. Car Arthur est révélé à lui-même et à son peuple aux alentours de la Chandeleur, époque des fêtes ursines dans toute l’Europe, qui coïncide avec la période où les ours sortent de leur hibernation. Il est tué au contraire, quelques jours après la vieille fête celtique de Samain, alors que les ours entrent en hibernation. Comme les ours, il entre lui-même en dormition, aux îles d’Avalon.

La Villemarqué a-t-il raison d’écrire que son nom « primitivement porté par une divinité guerrière, le fut, au VIe siècle par un chef illustre, mort en défendant sa patrie. »  N’est-ce pas plutôt Jean Marx qui est dans le vrai, lorsqu’il souligne la parenté entre le cycle arthurien vaguement christianisé et celui de l’irlandais Finn, et pour qui, Arthur est un dieu ursin évhémérisé ? C’est en tout cas l’avis du symboliste Michel Pastoureau, pour qui Arthur fut un dieu-ours avant d’être un roi ours.